Julie du compte Instagram Petite Lecture Inclusive
Bonjour Julie, pourrais-tu nous dire en quelques mots qui se cache derrière le compte Petite Lecture Inclusive ?
Je suis Julie, 34 ans, rédactrice web, maman d'un chaton de 4 ans. J'ai créé le compte Petite Lecture Inclusive il y a 8 mois. J'y analyse principalement les stéréotypes de genre dans les contenus jeunesse, mais je m'intéresse aussi aux schémas grossophobes.
Comment t'es venu l'idée de ce compte instagram ?
Question qui réclame un mini historique personnel ! Tout commence avec ma grossesse, il y a 4 ans. La maternité et la parentalité m'ont mis une claque féministe, pour ainsi dire. Je l'étais déjà avant, mais sans le traduire pas de réelles prises de position. Cette claque a résolument modifié ma vision du monde et celle de l'éducation que je voulais pour mon enfant.
Vient ensuite l'entrée à l'école. Malgré tous mes efforts, la cour de récré entretenait plein de stéréotypes de genre dans l'esprit de mon enfant. J'ai compris que mon combat personnel de parent n'aurait pas l'impact que j'espérais s'il ne s'inscrivait pas dans une démarche publique et un engagement plus militant, à mon modeste niveau. C'est ce constat qui est à l'origine des débuts de Petite Lecture Inclusive.
J'ai ensuite compris que débunker les stéréotypes de genre dans les contenus jeunesse répondait aux besoins de nombreuses personnes. Il y a les parents, les professeur.e.s, les documentalistes et bibliothécaires. Il y a aussi beaucoup d'adultes qui sont en pleine assimilation du poids des stéréotypes dans leurs vies, comme moi, et qui essayent de les déconstruire. Toutes ces personnes m'ont vraiment motivée aux débuts de Petite Lecture Inclusive, et continuent à le faire.
En début d'année, tu postais des petites histoires inclusives. Est-ce que ces histoires sont de toi ? Vas-tu en poster d'autres ou peut-être même sortir un livre ?
Oui, elles sont de moi ! J'aimerais bien en poster d'autres, mais j'ai l'impression que la démarche la plus logique consiste à déconstruire les stéréotypes de genre dans un premier temps, pour proposer d'autres solutions narratives ensuite. J'aimerais effectivement beaucoup faire fructifier mon travail sous forme de livres ! Tant pour enfant que pour adultes, d'ailleurs. C'est un projet en construction.
Quel genre de retours reçois-tu concernant tes publications ? Bilan positif ou rencontres-tu aussi de l'animosité ?
Du très positif, majoritairement. Les échanges avec les personnes qui me lisent et qui s'intéressent aux stéréotypes de genre sont toujours très intéressants, même si on n'est pas toujours d'accord. Je dois dire que je suis fière de réussir à créer un espace de débat bienveillant et argumenté sur mon compte. Les marques d'animosité arrivent aussi, parfois radicalement, mais j'ai toujours reçu beaucoup de soutien dans ces cas-là. Et je reçois régulièrement des messages de personnes qui me remercient pour tel ou tel poste qui leur parle, ou juste pour l'existence du compte, ça me touche toujours beaucoup.
Combien de temps te prennent tes publications si fournies ?
Un temps assez considérable, je l'avoue ! Je crois que le minimum que j'ai mis, c'était 1h. J'ai parfois mis plus de 10h sur une publi. Entre mes lectures scientifiques sur les sujets que je creuse et mes recherches iconographiques, le projet peut s'avérer vraiment chronophage. C'est parce qu'écrire et débattre de ce sujet me passionne que je continue de bon cœur. J'ai aussi la chance de travailler en tant que rédactrice freelance et de réussir à m'organiser pour y dédier du temps.
Pourrais-tu nous donner un top 3 de livres que tu nous conseilles qui évitent les nombreux stéréotypes de la littérature jeunesse ?
Question difficile ! J'avoue que j'ai toujours du mal à recommander des bouquins comme des références "parfaites", parce que les stéréotypes sont vite arrivés. Je trouve que c'est un vrai défi pour les auteurices et illustrateurices d'y échapper tout en essayant de représenter la réalité, qui est elle-même stéréotypée.
Ceci dit, j'ai plein de chouchous, et pour n'en citer que trois : Comme une princesse, de Brigitte Minne, illustré par Merel Eyckerman, éditions Talents Hauts. L'histoire d'une petite fille qui voudrait comprendre pourquoi elle ne ressemble pas aux princesses. Son papa lui montre que les princesses sont partout. J'aime aussi beaucoup Les grands garçons pleurent aussi, de Jony Howley, édité par Kimane Editions, qui lutte contre la masculinité toxique. Fille Garçon de Hélène Druvert aux éditions Saltimbanque est aussi une pépite, tant dans les visuels que dans les messages.
Quels sont selon toi les principaux stéréotypes à combattre absolument ?
Tout ce qui relève de l'infériorisation, de la diabolisation et de l'hypersexualisation des personnages féminins : il n'y a pas une identité de genre qui définirait des personnes plus fragiles, plus capricieuses, plus superficielles ou plus "sexualisables" que les autres. Je pense aussi qu'il faut combattre tout ce qui construit une masculinité toxique et constitue une injonction à être fort, courageux, insensible.
En réalité, de mon point de vue, tous les stéréotypes de genre craignent beaucoup ! Il n'y pas de petit combat dans ce domaine, car tout fait système : le plus petit stéréotype de genre participe à nourrir le patriarcat. Ces stéréotypes menacent toutes les personnes qui, par leurs existences, leurs apparences ou leurs comportements, ne s'y conforment pas. Et ça fait vraiment beaucoup de monde. Outre les inégalités et les discriminations, ils nourrissent aussi des schémas mentaux super difficiles à déconstruire, et à l'origine de nombreuses souffrances.
A quoi peut-on s'attendre dans le futur sur ta page instagram ?
Toujours beaucoup de décorticage des stéréotypes de genre dans la littérature jeunesse, que ce soit dans les textes ou les illustrations. Peut-être un focus plus prononcé sur les mangas, qui représentent pour moi un gros gros chantier. Et davantage de thématiques sur la littérature et les contenus young adulte.
Compte Instagram : @petitelectureinclusive